Aujourd’hui, c’est mardi gras.
Comme beaucoup de femmes de sa génération, ma grand-mère cuisinait (et cuisine toujours) de façon simple et néanmoins mémorable. Certaines de ses préparations resteront à jamais gravées dans mes souvenirs gustatifs, à tel point que j’en recherche parfois le goût en cuisinant moi-même. Me reviennent sa fabuleuse viande si longtemps rôtie qu’on pouvait presque la couper à la cuillère, ses épinards frais mixés avec du jus de viande dont je pouvais me resservir dix fois si on m’avait laissé faire, sa mousse au chocolat grasse et ferme dont le petit reste du lendemain est encore meilleur, ses escargots de Noël avec un beurre si justement dosé en ail et en sel, sa saucisse de Morteau et son « coti » servi avec pommes de terre vapeur et une bonne louche de cancoillotte, son tian de courgettes qui plaît tant à mon Louis aujourd’hui… Et j’en passe.
Chaque année, c’est aussi mardi gras qui me rappelle à son bon souvenir. Ah, les bugnes de ma grand-mère… Certains diront que ce sont des oreillettes mais puisqu’elle les appelle des bugnes depuis tant d’années, je lui laisse ce privilège de l’âge. Pour les mériter, il suffisait d’aller tout au fond du couloir du grand appartement, de pousser la porte de gauche et d’entrer dans cette chambre glaciale qui m’a toujours fait un peu peur. Etait-ce à cause de la température contrastant avec le reste de l’appartement, de la couleur sombre des murs ou de la reproduction de « Guernica » qui y trônait ?… Cette sensation était vite oubliée lorsque je me hissais, le soir venu, sur le haut lit et me glissait sous l’épais édredon qui devait me tenir chaud la nuit durant. Mais je m’égare, revenons aux bugnes : il suffisait alors d’écarquiller les yeux et de découvrir, posés sur le bureau, deux énormes saladiers remplis de ces précieuses gourmandises à la fois si légères, croquantes et pourtant moelleuses et grasses. Pour accompagner la mousse au chocolat, c’était vraiment divin et pas vraiment raisonnable. Mais qui a dit que nous étions raisonnables ?
Pour réussir les bugnes de ma grand-mère, un seul secret : étaler la pâte « aussi fine que du papier à cigarettes« , comme elle le dit elle-même. Et peut-être aussi la petite cuillère de crème : on ne se refait pas (ça, c’est moi qui le dit :-).
Les bugnes de ma grand-mère (2 gros saladiers)
800 g de farine, 4 oeufs, 175 g de beurre, 2 cs de crème, 5 cs de sucre, qs fleur d’oranger ou rhum, sel, 1 litre d’huile, sucre glace
1°/ Mélanger à l’aide d’une cuillère en bois ou d’un robot (ustensile K) la farine, une pincée de sel, le sucre, les oeufs et le beurre légèrement ramolli. Ajouter la crème, la fleur d’oranger ou le rhum et mélanger pour obtenir une pâte homogène. Couvrir et laisser reposer au réfrigérateur de 24 heures.
2°/ Le lendemain, étaler la pâte très très finement (« aussi finement que du papier à cigarettes« ) et découper à l’aide d’une roulette selon les forme désirée (c’est le moment des enfants). Faire rapidement frire dans l’huile bien chaude et déposer sur du papier absorbant (c’est le moment de mon mari).
3°/ Saupoudrer de sucre glace (beaucoup), déposer dans un saladier, couvrir et réserver dans une pièce froide : elle sont encore meilleure le lendemain, quand on a oublié l’odeur de gras de la cuisson.
ASTUCE : pour étaler la pâte très finement, j’utilise ma machine à pâte (et cette fois celle de ma belle-maman qui se met sur mon robot) et je règle sur l’épaisseur la plus fine (ma pâte est carrément transparente !) : c’est magique !!!
NOTA BENE : tout comme ma copine Mercotte, ma grand-mère fait cuire ses bugnes à la végétaline et non à l’huile.
RECTIFICATIF : ma mémoire m’a joué un tour. En effet, ni bugnes, ni oreillettes, ma mère-grand les appelle des beignets (prononcez « beugné »).
Pour la totalité de mes recettes, c’est un petit bout par ici et le reste par là.